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11 décembre 2007

Ils sont sautés aux conclusions

Sauter aux conclusions; to jump to conclusionsavoir sauté ou être sauté; anglicisme; calque de l'anglais; choix de l'auxiliaire; grammaire française; syntaxe du français.

« Il y en a qui sont un peu vite sautés aux conclusions... » (Michel Vastel.)

Je ne trouve rien sur l'expression sauter aux conclusions dans le Multidictionnaire, dans le Colpron ni dans le Dagenais. D'après Camil Chouinard, elle serait calquée sur l'anglais to jump to conclusions. De fait, bien que d'un emploi très courant au Québec, elle est absente du Petit Robert et du Lexis (consultés aux articles « sauter » et « conclusion »); et une recherche dans l'ensemble du texte du Trésor de la langue française informatisé n'a donné aucun résultat. Le Chouinard, le Meertens et le Robert & Collins Super Senior suggèrent quelques équivalents, dont tirer des conclusions hâtives, aller trop vite en besogne.

Par ailleurs, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain font observer que le verbe sauter se conjugue avec l'auxiliaire avoir; le Petit Robert et le Lexis n'admettent effectivement pas la construction avec l'auxiliaire être.

Line Gingras
Québec

« Stéphane Dion n'est pas fini » : http://blogues.lactualite.com/vastel/?p=77

10 décembre 2007

Des absences plus longues que prévues

Prévu; plus que prévu; moins que prévu; accord du participe passé; ellipse du sujet et de l'auxiliaire après une locution conjonctive; grammaire française; syntaxe du français; orthographe d'accord.

« Les absences de Steve Bégin et Bryan Smolinski seront plus longues que prévues. » (François Gagnon.)

Le journaliste semble dire que l'on avait prévu les absences des deux joueurs. Ce n'est cependant pas le cas : les absences étant consécutives à des blessures, on ne pouvait les prévoir; ce que l'on avait prévu, par contre, à la suite d'un premier examen des blessés, c'est qu'elles dureraient moins longtemps que ce que l'on pense maintenant. Les absences seront de fait plus longues qu'on ne l'avait prévu - ou, dans une langue relâchée, avec ellipse du sujet et de l'auxiliaire avoir, plus longues que prévu.

Le Petit Robert, consulté à l'article « prévu », donne un exemple de cette construction :

Une marée plus forte que prévu. [On avait prévu non pas la marée, qui se produirait de toute façon, mais que la marée serait moins forte.]

Line Gingras
Québec

« Bégin et Smolinski hors combat » : http://blogues.cyberpresse.ca/gagnon/?p=70312759

09 décembre 2007

Rabattre les oreilles

Rabattre les oreilles ou rebattre les oreilles; paronymes.

« Par exemple, madame la ministre et son règlement de trois minutes dont on nous rabat les oreilles ces jours-ci. » (Pierre Foglia.)

On rabat le caquet à quelqu'un, mais on lui rebat les oreilles :

S'il n'arrête pas de me rebattre les oreilles de ses récriminations, je vais lui rabattre le caquet.

Line Gingras
Québec

« Trois minutes d'écologie » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071208/CPOPINIONS05/7...

08 décembre 2007

Matte ou mate?

Matte ou mate; orthographe.

« ... une feuille de papier d'aluminium a deux faces : une brillante et une presque matte. » (Fabien Deglise.)

Le contraire de brillante, c'est mate :

Peinture mate. (Petit Robert.)
Une couleur mate. (Hanse-Blampain.)

Line Gingras
Québec

« Quand maman Dion perd la boule... Magik » : http://www.ledevoir.com/2007/12/08/167711.html

07 décembre 2007

Au tournant du début...

Au tournant du début de l'an prochain; au tournant du début de l'année; au tournant du début du siècle.

« Si des élections fédérales devaient se présenter au tournant du début de l'an prochain, elles coïncideraient avec l'intensification des grandes manœuvres internationales en vue de l'après-Kyoto. » (Chantal Hébert.)

« Avec une campagne électorale qui se dessine au tournant du début de l'année, on attend encore de voir si le chef conservateur a déniché quelques candidats d'envergure pour rehausser le calibre de son contingent québécois. » (Même journaliste, autre article.)

Le substantif tournant peut désigner le « moment où ce qui évolue change de direction, devient autre » (Petit Robert) :

L'entreprise arrive à un tournant décisif de ses activités de diversification. (Multidictionnaire.)

Ce grand débat sera sûrement le tournant dans la campagne électorale en cours. (Chouinard.)

Au dernier tournant de la vie, la curiosité qui nous penche sur les livres devient rétrospective. (Mauriac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Sauf pour quelques individus privilégiés, la quarantaine marque un tournant décisif. (L'Express, dans le Trésor.)

Cette bataille a marqué un tournant dans l'histoire. (Lexis.)

Il est à un tournant de sa carrière. (Petit Robert.)

Le Petit Robert donne en outre cet exemple :

Au tournant du siècle.

Cette expression, selon ce qu'indique une recherche Google, s'applique souvent aux dernières années d'un siècle, et aux premières du siècle suivant.

Le Meertens, à l'article « turn », propose toutefois au début du siècle comme équivalent de at the turn of the century. Dans Le Robert & Collins Super Senior, l'expression est rendue par en début de siècle ou en fin de siècle; et les auteurs traduisent at the turn of the year par vers la fin de l'année, en fin d'année.

En tout cas, rien ne me permet de croire que la journaliste ait voulu dire quoi que ce soit, par la curieuse expression au tournant du début, qu'un simple au début (ou dès le début) n'aurait pas exprimé; de fait, elle semble d'avis que des élections fédérales pourraient avoir lieu en février...

Line Gingras
Québec

« Un an plus tard » : http://www.ledevoir.com/2007/11/26/166081.html
« Le bulletin du premier ministre » : http://www.ledevoir.com/2007/12/03/167026.html

06 décembre 2007

Démêlées ou démêlés

Démêlées ou démêlés; orthographe.

« ... Luc Lavoie, qui a guidé avec un rare brio les relations publiques de Brian Mulroney dans ses démêlées avec Herr Schreiber... » (Patrick Lagacé.)

On écrit un démêlé, des démêlésdémêlé est un nom masculin qui s'emploie généralement au pluriel, au sens de « Contestation, querelle sur une affaire qui demande à être éclaircie et qui est l'objet de débats entre deux parties » (Trésor de la langue française informatisé) :

L'origine des démêlés du nouveau roi avec le pape. (Bainville, dans le Trésor.)

Line Gingras
Québec

« La meneuse de claques » : http://blogues.cyberpresse.ca/lagace/?p=70720675#comments

05 décembre 2007

Décimer le respect

Décimer le respect; impropriété.

« "Le folklore et la fierté qui entouraient la GRC s'étiolaient depuis quelque temps. Mais la vidéo de la mort de Robert Dziekanski a décimé ce qui restait du respect que les Canadiens ont longtemps éprouvé à l'endroit de leur police nationale." » (Manon Cornellier, citant John Martin, du Vancouver Province.)

Dans l'Antiquité romaine, décimer signifiait « mettre à mort une personne sur dix, désignée par le sort » (Petit Robert) :

Strabon [...] fit décimer ses soldats coupables d'avoir massacré des décurions milanais. (Mérimée, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

De nos jours, ce verbe s'emploie couramment au sens de « faire périr un grand nombre de personnes » :

Épidémie, guerre, famine, fléau qui décime une population, un pays, une armée. (Exemples relevés dans le Petit Robert, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain.)

Ces régiments qui ont sauvagement décimé le prolétariat révolutionnaire? (Martin du Gard, dans le Lexis.)

Ces tribus que les puissances esclavagistes décimaient et déportaient. (Mauriac, dans le Trésor.)

La Bible et Hérodote sont d'accord pour signaler l'apparition fulgurante d'une peste qui décima, en une nuit, les 180 000 hommes de l'armée assyrienne, sauvant ainsi l'empire égyptien. (Artaud, dans le Trésor.)

Le Trésor donne en outre les exemples suivants, où décimer est utilisé par analogie ou par métaphore :

La seule et unique couche de sa fille [...] avait décimé les dents, fait tomber les cils, terni les yeux, gauchi la taille, flétri le teint. (Balzac, dans le Trésor.)

Tous les mauvais miasmes qui déciment l'organisme du soldat. (Martin du Gard, dans le Trésor.)

On lui [au poète] décima son vocabulaire. (Valéry, dans le Trésor.)

J'aimerais, en ce qui concerne ces trois dernières phrases, attirer l'attention sur le complément d'objet direct : nous avons affaire dans le premier cas à un pluriel, les dents; il est question dans le deuxième exemple d'un organisme - composé de nombreux organes; enfin, Valéry parle du vocabulaire, dont je n'apprendrai à personne qu'il réunit une grande quantité de mots.

Mais le respect? Comment, à la lumière de ce qui précède, quelque chose ou quelqu'un pourrait-il décimer le respect? Le respect n'est pas un ensemble dont on peut isoler des éléments. Je proposerais plutôt :

... la vidéo de la mort de Robert Dziekanski a détruit / a anéanti ce qui restait du respect que les Canadiens ont longtemps éprouvé à l'endroit de leur police nationale.

* * * * *

« "Les passagers avaient l'habitude d'être traités comme des clients dans les aéroports internationaux canadiens. Maintenant, il semble être perçus d'abord et avant tout comme des menaces à la sécurité." » (Cette fois, il s'agit de la traduction d'un article du Leader-Post, de Regina.)

De toute évidence, il semble ne devrait pas être présenté comme un tour impersonnel : les passagers semblent être perçus - ils semblent être perçus.

Line Gingras
Québec

« Revue de presse - Électrochoc policier » : http://www.ledevoir.com/2007/11/24/165847.html

04 décembre 2007

Mémoire défaillante

« ... une étude japonaise qui bat en brèche l'idée répandue selon laquelle que l'homme est supérieur au singe pour toutes les fonctions cognitives. » (AP.)

« Un test a mis comparé trois chimpanzés de cinq ans, qui avaient appris l'ordre des chiffres de 1 à 9, et une dizaine de volontaires humains. »

Le journaliste a voulu modifier la construction de ces deux phrases; mais sitôt les changements apportés, croirait-on, il s'est empressé d'oublier les avoir faits, et ne s'est donc pas relu. C'est peut-être vrai, que notre mémoire ne vaut pas celle des chimpanzés...

Line Gingras
Québec

« Le chimpanzé a une meilleure mémoire que l'homme » : http://www.ledevoir.com/2007/12/04/167139.html

03 décembre 2007

Un privilège qui incombe aux députés

Incomber; impropriété.

« En point de presse, il [le député François Gendron] a rappelé qu'il était normal qu'un gouvernement informe la population de ses orientations et "communique avec le public" mais que, dans le cas qui nous occupe, la ministre était entrée dans les détails, un privilège qui incombe normalement aux députés au moment de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale. » (Isabelle Porter.)

D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, incomber se dit à propos d'une charge, d'un devoir, d'une obligation, d'une responsabilité :

Ces réparations incombent au propriétaire de la maison. (Lexis.)

Dépenses, frais, fonction, mission, soin, tâche incombant à une personne. (Trésor.)

C'est un concert unanime de tout ce qui se prétend chef de quelqu'un ou de quelque chose pour rejeter la responsabilité qui lui incombe sur le subalterne coupable d'être trop bien entré dans l'esprit de ses supérieurs. (Clemenceau, dans le Trésor.)

En fait, c'est aux États-Unis qu'appartenait la décision, puisque l'effort principal leur incombait dorénavant. (De Gaulle, dans le Trésor.)

Or, le privilège se définit comme un « droit, [un] avantage particulier accordé à un seul individu ou à une catégorie, en dehors de la loi commune » (Petit Robert). Un privilège ne saurait donc incomber aux députés - il leur appartient ou leur revient, plutôt. Dans la phrase qui nous intéresse, étant donné que ce ne sont pas les députés qui entrent dans les détails, je crois qu'il aurait fallu écrire :

... la ministre était entrée dans les détails, ce qui se fait normalement devant les députés, au moment de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Line Gingras
Québec

« La ministre des Transports heurte les susceptibilités de l'opposition péquiste » : http://www.ledevoir.com/2007/11/14/164365.html

01 décembre 2007

Faire planer une menace à quelqu'un

Planer à ou planer sur; préposition; syntaxe.

« Ceux qui fréquent la mosquée jour et nuit, qui font évacuer des cabanes à sucre entières pour prier Allah, qui lapident leurs (multiples) épouses sur la voie publique, qui font planer une menace de djihad armé à une directrice d'école si la flûte à bec est au programme du cours de musique... » (Patrick Lagacé, dans La Presse.)

Faudra que je demande à mon beau-frère ce qu'il peut bien avoir contre la flûte à bec, mon instrument préféré...

Mais non, le journaliste plaisante. Seulement, je suis d'avis qu'il se trompe de préposition; d'après les exemples que donnent les dictionnaires généraux, une menace ne plane pas à quelqu'un ou quelque chose, mais sur quelqu'un ou quelque chose :

... la douleur et le deuil qui planaient sur cette maison. (Balzac, dans le Petit Robert.)

Un régime de terreur planait sur la Gaule. (Fustel de Coulanges, dans le Lexis.)

C'est une cérémonie religieuse qu'une tragédie grecque. [...] toujours le destin planant sur la vie de l'homme. (Staël, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

L'enfant ne répond pas, obstinément, laissant planer sur son père le soupçon que c'est lui qui l'a jeté par la fenêtre. (Goncourt, dans le Trésor.)

Il manœuvre avec son dossier secret pour laisser planer un doute [...] sur l'innocence de Dreyfus. (Clemenceau, dans le Trésor.)

Line Gingras
Québec

« Voile maudit » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071126/CPOPINIONS05/7...

30 novembre 2007

Ils arrivent bon dernier

Ils arrivent bon dernier ou ils arrivent bons derniers; ils arrivent bon premier ou ils arrivent bons premiers; bon dernier; bon premier; gentilé; orthographe.

« Les jeunes Québécois lisent de moins en moins bien [...] Et à l’échelle du Canada, ils arrivent bon dernier. » (Ariane Lacoursière, dans La Presse.) 

D'après ce que je vois dans le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, à l'article « bon », les deux éléments des expressions bon premier et bon dernier (celle-ci étant utilisée par ironie, selon le Trésor de la langue française informatisé) varient en genre et en nombre :

Elles se sont classées bonnes premières. (Multidictionnaire.)

Et à l'échelle du Canada, ils arrivent bons derniers.

* * * * *

« Selon M. Martinez, cette statistique explique en grande partie les mauvais résultats des jeunes Québécois. L’étude du CIEAS révèle également que la lecture n’occupe pas une place de choix dans la vie des Québécois. Alors que 39 % des jeunes albertains possèdent plus de 100 livres à la maison... »

Le gentilé (« dénomination des habitants d'un lieu, relativement à ce lieu », d'après le Petit Robert) est un nom propre; il prend donc la majuscule : les jeunes Québécois, les jeunes Français, les jeunes Canadiens, les jeunes Albertains.

* * * * *

Lorsque j'ai lu cet article pour la première fois hier soir, j'y ai relevé aussi deux fautes d'accord du participe passé employé avec avoir, et une faute d'accord de l'adjectif possessif - trois fautes bêtes que je trouvais plutôt gênantes, comme il s'agit d'un texte sur les « habiletés de lecture ». Depuis, il semble que les correcteurs soient passés par là (même s'ils n'ont pas tout vu), du moins pour la version Internet du journal. Mais un autre blogueur avait déjà signalé ces erreurs. Et l'adresse de l'article a changé...

Line Gingras
Québec

« Habiletés de lecture : les mots pèsent lourd au Québec » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071130/CPACTUALITES/7... (nouvelle adresse)

http://www.cyberpresse.ca/article/20071129/CPACTUALITES/7... (ancienne adresse; ne fonctionne plus)

29 novembre 2007

Grammaire et contresens : attention à l'adjectif possessif!

Adjectif possessif; déterminant possessif; nombre du possesseur.

« Des prisonniers talibans remis par l'armée canadienne aux autorités afghanes sont ensuite torturés par ses services secrets.

"Frappés à coups de brique, privés de sommeil, ongles arrachés, chocs électriques", révélait la journaliste Michèle Ouimet dans La Presse le mois dernier, lors de sa quatrième mission en Afghanistan. » (Paul Journet, dans La Presse.)

L'adjectif ou déterminant possessif ses n'indique pas seulement le nombre du substantif auquel il se rapporte (services secrets, au pluriel), mais encore celui du « possesseur » : ses renvoie à un possesseur singulier (exemple : l'armée cherche à motiver ses soldats), tandis que leurs renverrait à un possesseur pluriel ou à plusieurs possesseurs (exemple : les autorités n'ont pas encore fait connaître leurs commentaires). Or, il n'y a qu'un seul singulier dans la phrase : l'armée canadienne. Et comme cette phrase commence l'article, on ne peut pas chercher un autre possesseur dans une phrase précédente. Faudrait-il donc croire que les services secrets de l'armée canadienne torturent les prisonniers talibans? C'est ce que semblerait nous apprendre le journaliste.

Je lui prescris un double expresso, et une bonne relecture.

Line Gingras
Québec

« Les dessous de la guerre aux Francs-tireurs » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071128/CPARTS/7112807...

28 novembre 2007

Il ne dit goutte

Ne dire goutte.

« Stephen Harper n'a pas entièrement tort de vouloir que tous les pays montent dans le train. Mais comment? Il ne dit goutte. » (Manon Cornellier.)

Selon le Petit Robert, la négation renforcée ne... goutte s'utilise, par archaïsme ou par plaisanterie, avec les verbes voir, entendre, comprendre et connaître. D'après le Lexis, qui tient ces expressions pour littéraires, ne voir, n'entendre, ne comprendre goutte, c'est ne rien voir, ne rien entendre, ne rien comprendre :

C'est tout noir dans la cave : je n'y vois goutte. (Multidictionnaire.)

On n'y voyait goutte pour faire une partie de piquet. (France, dans le Lexis.)

Quand il n'y voit goutte, le plus malin n'est pas fier. (Bernanos, dans le Petit Robert.)

Vieux, boiteux, n'y voyant goutte, probablement un peu sourd. (Hugo, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

C'est un homme qui ne voit goutte dans ses affaires. (Hanse et Blampain.)

Je n'y entends goutte, à votre affaire. (Lexis.)

Ils ne comprennent goutte à ma conduite. (Hugo, dans le Trésor.)

Je n'ai trouvé d'exemples qu'avec ces trois verbes. Je proposerais donc :

Il n'en dit rien.
Il n'en dit pas un mot.

* * * * *

Il faut lire l'excellent article de madame Cornellier.

Line Gingras
Québec

« Faire payer les pauvres » : http://www.ledevoir.com/2007/11/28/166390.html

27 novembre 2007

En soutien à

En soutien à; en soutien de; syntaxe; démonstratif à valeur de possessif; emploi du déterminant ou adjectif démonstratif; anglicisme. 

« ... les troupes canadiennes participaient à une opération de sécurité en soutien aux forces nationales afghanes... » (PC.)

Je n'ai pas trouvé en soutien à dans les dictionnaires consultés - j'ai vu le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain (qui ne m'a pas été utile), le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé. Ce dernier ouvrage reçoit la construction en soutien de :

Les Américains mettant, d'une part, des parachutistes et des chars en soutien des Français. (De Gaulle, dans le Trésor.)

Une recherche Google donne toutefois un nombre d'occurrences nettement plus élevé pour en soutien à (en soutien aux) que pour en soutien de (en soutien des). Je ne serais pas étonnée que les dictionnaires finissent par enregistrer cet usage.

* * * * *

« "Ce sont tout des Canadiens exceptionnels qui méritent la gratitude et le respect de cette nation..." » (Même article; on cite le premier ministre du Canada, Stephen Harper.)

Ce sont tous des Canadiens exceptionnels, selon monsieur Harper.

Cette nation... Le premier ministre désignerait-il une nation dont il aurait parlé dans la phrase précédente? Je ne le crois pas : il veut dire sans doute notre nation, la nation. L'emploi du démonstratif à valeur de possessif est très fréquent en anglais; il faut se garder de l'imiter.

* * * * *

« Leur décès portent à 73 le nombre de soldats canadiens morts en Afghanistan depuis le début de la mission canadienne, il y a cinq ans. »

Leur décès porte à 73...

Line Gingras
Québec

« Deux soldats canadiens de Valcartier tués » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071117/CPACTUALITES/7...

26 novembre 2007

Complément de nom et complément d'objet

Complément de nom et complément d'objet direct; double fonction; coordination; pronom de rappel; syntaxe.

« ... dissuader les troupes d'utiliser ou de faire le trafic de drogue... » (Steve Rennie, PC, Ottawa.)

Drogue est complément du nom trafic, qui se rattache au verbe faire; mais il devrait aussi, en toute logique, être complément d'objet direct du verbe utiliser (dissuader les troupes d'utiliser quoi? de la drogue - et non pas le trafic de drogue). La phrase doit être construite de manière qu'il remplisse grammaticalement cette double fonction :

... dissuader les troupes d'utiliser de la drogue ou d'en faire le trafic...

Il suffit de se servir d'un pronom de rappel.

* * * * * 

« ... il est facile de se procurer des drogues illégale en Afghanistan... »

« ... des chiens entraînés à détecteur l'odeur de la drogue... »

« ... la police militaire devait vérifier les dossiers des soldats pour vérifier... »

... la police militaire devait examiner les dossiers des soldats pour vérifier...

Line Gingras
Québec

« De la drogue à la base canadienne de Kandahar? » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071111/CPACTUALITES/7...

25 novembre 2007

Sans égards à leur conduite

Sans égards à; sans égard à; orthographe.

« Lorsque libéraux et péquistes s'accusent les uns les autres d'avoir inventé puis fait dérailler la réforme, seule la partisanerie les agite, sans égards à leur conduite respective de l'appareil gouvernemental. » (Marie-Andrée Chouinard.)

Le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé donnent la locution prépositive sans égard à ou sans égard pour, qui signifie « sans tenir compte de », « sans prendre en considération » :

Sans égard à son ancienneté. (Multidictionnaire.)

Sans égard pour les convenances, Carlotta le fit entrer dans la chambre. (Aragon, dans le Trésor.)

Le Petit Robert consigne l'antonyme de cette expression, eu égard à :

Il est vaillant, eu égard à son âge. (Petit Robert.)

Vous serez placé immédiatement au-dessous de la loge royale, eu égard à votre condition de prince. (Gide, dans le Lexis.)

D'après le résultat de mes recherches, égard ne se met pas au pluriel dans ces locutions.

Line Gingras
Québec

« L'école en otage » : http://www.ledevoir.com/2007/11/10/163917.html

24 novembre 2007

Un adversaire, une adversaire

Un adversaire, une adversaire; genre du nom adversaire.

« C'est la Maison-Blanche qui, au milieu de la présente année, s'est mis en tête d'associer Moucharraf avec son vieil adversaire politique Benazir Bhutto. » (Serge Truffaut.)

Le nom adversaire s'emploie au féminin comme au masculin. (Voir le Petit Robert, le Multidictionnaire ou Le bon usage, douzième édition, paragraphe 480.) Et Benazir Bhutto est une femme. Il fallait donc écrire avec sa vieille adversaire - ou avec son adversaire, le déterminant possessif sa étant remplacé par son devant une voyelle.

« Depuis quarante-huit heures, le président pakistanais Pervez Moucharraf fait penser au chien qui essaye de se mordre la queue. Il implore les uns et menace les autres. Il libère des avocats mais musellent d'autres médias. »

L'adjectif autres est de trop : comme les avocats ne sont pas des médias, il n'y a pas lieu de les distinguer d'« autres » éléments de cette catégorie.

Ce ne sont pas les avocats qui musellent des médias, mais le président du Pakistan, représenté par le pronom il :

Il libère des avocats mais muselle des médias.

Line Gingras
Québec

« L'ennemi de mon ennemi » : http://www.ledevoir.com/2007/11/21/165194.html

23 novembre 2007

Armes de destruction massives

Armes de destruction massives ou armes de destruction massive.

« Vrai danger - Que les "neocons" de Washington, moins affaiblis qu'on ne l'a prétendu, accélèrent les préparatifs d'une attaque militaire contre l'Iran et refassent à l'opinion publique américaine - ainsi qu'à l'élite politique de Washington - le coup des "armes de destruction massives". » (François Brousseau.)

Le Petit Robert, à l'article « destruction » comme à l'article « arme », donne l'expression armes de destruction massive (« armes nucléaires, biologiques ou chimiques »). Il convient effectivement, à mon avis, d'accorder l'adjectif massive au singulier, puisque c'est la destruction qui serait massive.

Line Gingras
Québec

« Vrais et faux dangers » : http://www.ledevoir.com/2007/11/19/164968.html

22 novembre 2007

Par endroit

Par endroit ou par endroits; orthographe.

« ... ce qui occasionnera de la poudrerie par endroit. » (PC.)

D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé, le nom prend toujours la marque du pluriel dans la locution adverbiale par endroits, qui signifie « à différents endroits » :

Le livre me paraît bon, et même très bon par endroits. (Gide, dans le Petit Robert.)

L'ancienne tranchée [...] est par endroits bouchée. (Barbusse, dans le Trésor.)

Le plancher dont la peinture noire s'écaillait par endroits. (Green, dans le Trésor.)

Line Gingras
Québec

« Tempête de neige en vue jeudi » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071121/CPACTUALITES/7...

21 novembre 2007

Trop, c'est trop

Cascade de tion - sion; rimes intempestives; répétition.

« Et il ne faudrait pas se surprendre que l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) soit saisi d'affaires concernant l'obligation de doubler les films dans la langue nationale ou l'imposition de quotas de programmation obligeant la radiodiffusion d'une proportion d'émissions dans une langue nationale. » (Pauline Marois, chef du Parti québécois.)

Cette phrase pourrait se lire mieux :

... l'obligation de doubler les films dans la langue nationale ou l'imposition de quotas forçant à radiodiffuser un certain pourcentage d'émissions dans une langue nationale.

Line Gingras
Québec

« Libre opinion - Le Québec et la diversité linguistique » : http://www.ledevoir.com/2007/11/21/165189.html

20 novembre 2007

Débuter à faire quelque chose

Débuter à faire quelque chose; débuter à + infinitif; débuter à + verbe à l'infinitif; syntaxe du français.

« Il avait d'ailleurs débuté à embêter nos vies... » (Patrick Lagacé, dans La Presse.)

Je n'ai trouvé la construction débuter à + infinitif dans aucun des dix ouvrages que j'ai consultés. On peut aisément la remplacer par commencer à + infinitif :

Les marchés sont vides et l'on commence à manquer de pain. (Gide, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Tu commences à nous ennuyer. (Petit Robert.)

L'orchestre commence à jouer. (Lexis.)

Il avait d'ailleurs commencé à embêter nos vies.

Line Gingras
Québec

« Je ne suis pas raciste, mais... » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071024/CPOPINIONS05/7...